Vélos 2012: Expo Cycle à Montréal, j'y étais... seul (2)


Voici la deuxième et dernière partie de la chronique "Vélos 2012: Expo Cycle à Montréal, j'y étais... seul". Accédez au premier volet ici

Il y avait décidément encore beaucoup à voir, plein de petits trésors de carbone, ici et là lors de ce salon BTAC où les ténors de l'industrie étaient absents. Que propose le dicton? Quand les gros matous ne sont pas là, les petits vendent? Peut-être, mais ça reste à voir.

Pour l'instant retournons au Palais des Congrès. Voici donc la suite de ma sélection. Dans le désordre, commençons par...


Cinelli

Quand je pense à Cinelli, je pense à mon bon vieux guidon Critérium que j'utilisais jadis au Vélodrome Olympique de Montréal (que, par ailleurs, des imbéciles de très fort calibre ont transformé en aquarium à pingouin). Ah, la belle époque, révolue. Aujourd'hui la grande époque de la marque fondée en 1948 par Cino Cinelli semble, elle aussi, largement révolue. Quoique. Pas vraiment. Pas chez tout le monde. En Amérique le logo distinctif de Cinelli a trouvé de très fervents partisans chez les hipsters, ces indomptables cyclistes urbains roulant sur des fixies dépourvus de frein et qui ont en conséquence des comportements très périlleux. Ces grands consommateurs de technologies de pointes adorent le charme suranné des vélos de pistes en acier comme le Gazetta et le Super Corsa Pista, ou encore ceux en aluminium, comme le Mash et surtout le Vigorelli. Qui ne voudrait pas un bike dont le nom évoque ce lieu de légende? C'est clair que j'en veux un!

Tablant sur les goûts de cette clientèle non traditionnelle, Cinelli a ajusté son image qui elle, jusqu'à récemment, était traditionnelle. Le catalogue imprimé 2012 de Cinelli est un bel exemple de cette conciliation nouveau genre entre les "anciens" et les "modernes". Il est tout simplement magnifique. Je trouve.

Au Canada c'est ARG-Sports qui distribue Cinelli et je piaffe d'impatience de voir si je croiserai le Sprint, le Pro Best Of, le Strato, le Pro Estrada (annoncé à 860 g: ça donne le goût, non?) ou le bike de chrono WYSIWYG à quelque part sur une des routes que je pratique. Non, mais WYSIWYG, quel nom! Pensez-y, WYSIWYG, j'va tellement rire quand j'va voir un hipster expert en AJAX, HTML5 et en CSS3 sur un WYSIWYG! En passant, le bike respecte les canons de l'esthétisme triathlète, il doit aussi être rapide.



Opus

Une devise intéressante, bien déclinée
en plus, du moins si le nominatif
est velus (ce qui n'est pas
très cycliste).
Oups! Opus. Je le dis, c'est presqu'un coming out: Opus, ça ressemble à du bon bike. Je ne sais pas trop par quoi commencer tant j'ai l'impression que cette marque montréalaise est là depuis presque toujours sans que je ne l'ai remarquée. En fait, la marque a été lancée par Outdoor Gear Canada en 2001 et ils font maintenant du vélo de route, de piste, de ville, de montagne et aussi des bikes pour enfants. Et ils font même des vêtements. Pour 2012, le catalogue -bilingue- de la marque compte... 135 pages! Quel travail! La collection de route propose des vélos complets et elle est très étoffée. J'ai commencé en faisant presqu'un coming out, j'enchaîne avec un vrai coming out cette fois: je suis daltonien. Oui, c'est fait, c'est dit, je vois mal les couleurs. Surtout quand elles sont toute mélangées sur une petite surface, comme sur un tube de vélo par exemple. Pire encore, ce handicap m'a insécurisé et maintenant j'ai du mal à me dire que ce que je vois, c'est bel et bien la réalité. En raison des choix de couleurs atypiques et du foisonnement de petits détails graphiques qui tapissent les cadres, j'ai souvent bien du mal à comprendre l'orientation graphique de la marque. Du moins pour sa collection Route. Parce que pour la série Urbaine, wow, leur orientation "vieux vélo anglais" me donnerait le goût de dépenser.

AIci le Alto de la série Cyclosport. En passant,
ce n'est pas orange, c'est rouge.
Erreur du pitcher, pas moyen de faire
une bonne photo avec l'éclairage.
Quoi? Oui, l'argent c'est vulgaire, je sais. Ceci dit, les cadres de route, les séries Gamma 40 et 30, qui sont certainement fabriquées à partir du même moule, ont  des lignes très classiques, je dirais même pures, qui inspirent confiance. Et puis c'est le champion du monde Stephane Lebeau qui dirige la collection Route d'Opus: quelque chose me dit que ses vélos gagneraient à être -mieux- connus.



LOOK

Look a été le précurseur
dans le branding de ses
"technologies".

Look, la marque que j'aime depuis toujours, la marque qui commanditait Bernard Hinault, Greg Lemond et Steve Bauer, mes idoles. Ils sont beaux les Look 2012, comme toujours. En plus, on sait que ce sont des bikes de champions puisque l'entreprise de Nevers vient de remporter les championnats du monde sur route U23, avec Arnaud Démare sur un 695, et Junior, avec Pierre-Henri Lecuisinier sur un 586.

Sauf erreur il n'y avait pas d'exemplaire du 695, ni du 596, en version Mondrian dans le kiosque. Il est vrai que ce n'est plus une nouveauté, mais quand même, on ne peut empêcher un coeur d'aimer et le mien préfère ce "colori" à tous les autres que propose Look. Même la version Spécial Canada du 695 IPACK, qui est par ailleurs très soignée, n'a pas su m'émouvoir. Bon, j'ai été un peu ému quand même, mais juste un peu.

Quand je regarde un Look, du moins les plus haut de gamme, ce qui me saute au yeux, c'est la volonté qu'a le fabricant d'intégrer le plus de composantes possibles dans un seul tout. Alors que certains fabricants se contentent de proposer des cadres accompagnés d'une fourche générique avec des couleurs qui matchent, Look développement un cadre, une fourche, une potence, une tige de selle intégrée et un pédalier complet. C'est beaucoup de pression sur une équipe de développement, c'est du boulot.
Avec un tube horizontal qui
a cette allure, Look montre que
le chemin le plus sûr entre deux
points n'est pas la ligne
droite. Mais comment mesure-t-on
le "stand over height" maintenant?

Officiellement, Look insiste pour dire que cette intégration assure aux cyclistes des performances ultimes. Officiellement, j'insiste pour faire remarquer qu'en ce faisant, Look met dans ses poches les profits qui auraient normalement dû aller vers celles des fabricants de potences, de tiges de selle et de pédalier. C'est habile, c'est beau et ça permet à plus de gens de travailler pour une entreprise innovante.


Teschner

Sauf erreur, les vélos Teschner sont offerts en primeur au Canada grâce aux bons soins de Bicycle Import Canada (aka BIC). La marque australienne est assez peu connue ici, sauf peut-être chez les fans de la défunte équipe féminine Webcor qui roulait sur ces vélos.

Avec deux cadres de route (SL9 et SL7), un de contre-la-montre/triathlon (703 aero) et un de piste (703 aero Track), la gamme Teschner est très spécialisée et orientée vers la performance. Au premier regard les bikes de route sont classiques, avec des tubes ronds, tout l'inverse d'un Pinarello mettons. Ce qui n'est pas pour me déplaire. La fantaisie est par contre présente du côté du vélo de contre-la-montre et du cadre de piste, qui sont tout deux fabriqués à partir d'un moule unique. Avec ces deux là, tout est en courbes: le designer s'est assuré que nous comprenions que l'air glisse tout le tour de ce cadre.

Comme c'est souvent le cas dans l'industrie du vélo, la stratégie de mise en marché de l'entreprise met de l'avant l'expertise du fondateur, Peter Teschner. Il serait intéressant de l'entendre présenter sa philosophie de design. En regardant rapidement les tableaux de géométrie de ses machines, je note que les Teschner ont des bases (ben, les chainstays) plutôt longues; 410 mm pour les "routes" de toutes les tailles;  405 mm pour le clm/tri. S'il y a des curieux, qu'ils aillent voir ce que fait Cervélo, qui est en train de devenir une sorte de standard (pour une raison inconnue) et rappelez-vous que pour optimiser le fonctionnement mécanique des dérailleurs, Shimano demande des bases longues de 406 mm.

Tout ça pour dire que je serais prêt à gager un p'tit deux piasses qu'un Teschner ça doit être très stable, une valeur cardinale qui se perd de nos jours, et que ça doit shifter vite en calvâsse.


Merckx

Je crois que les Merckx sont réapparus au Canada l'année dernière quand le distributeur Kempter Marketing (KMI) a flairé le bon filon: Merck, l'entreprise, venait presque tout juste de changer de propriétaire, son légendaire fondateur se résignant, à 63 ans, à prendre une seconde retraite. Il faut bien dire que malgré tout le respect que le nom impose, l'entreprise n'était plus à l'avant du peloton des fabricants.

Les repreneurs ont changé ça big time. En un rien de temps, Merckx est devenu l'équipementier officiel de la toute puissante Quick-Step qui, dans un geste doux qui me touche beaucoup, a cessé sa relation d'affaire "d'un commun accord" avec le génie du marketing Specialized. L'étape suivante de cette renaissance de la marque belge s'est produite au Tour l'année dernière quand Chavanel s'est emparé du maillot vert ET du jaune. Dans un geste d'éclat -qui me touche encore plus-, les peintres lui ont préparé un vélo vert et jaune durant la nuit. Un beau coup de pub qui n'a peut-être même pas coûté beaucoup d'heures sup. De toute manière, on le sait maintenant, l'argent, c'est vulgaire.

L'extreme make-over de la marque n'est peut-être pas terminé, mais de bonnes boutiques croient assez en son potentiel pour l'offrir à leurs clients. Est-ce qu'une de ces boutiques -de Montréal peut-être- me lit? Juste au cas, je suis toujours dispo pour un essai routier. Un EMX-7, ou un 5 comme sur la photo, grandeur  50, rien de compliqué, fera l'affaire. Je peux prendre mes roues, je roule en Campy par contre.


Museeuw


Après Merckx, la légende, Museeuw, le monstre sacré. Au moment de sa retraite sportive, avec un palmarès long comme le bras, Le Lion des Flandres s'est lancé dans la fabrication de vélo. Malgré l'aspect juvénile de la marque (fondée en 2007), le catalogue est très -très- étendu et je me demande bien comment Stage-Race Distribution va faire pour vraiment offrir l'ensemble de la gamme. Parvenir à offrir une gamme complète de vélos de compétition fait d'ailleurs partie de la mission de Museeuw Bikes: dans ces conditions, aucun distributeur ne peut plaider l'ignorance.

Quoi qu'il en soit, j'ai été soufflé par le MF-XX, ici en photo. Bon, il est fait en Carbon Flax, en fibres de lin, et ce serait très confortable, presque magique, "supernatural" comme c'est dit sur leur site web. Si c'est le gars qui a gagné Paris-Roubaix trois fois, le Tour des Flandres aussi trois fois, l'Amstel et un championnat du monde qui me le dit, je veux bien le croire. Sauf qu'à force d'insister sur le confort, c'est l'image d'une Cadillac Séville 75 qui me vient à l'esprit. Quand je regarde ce bike, c'est plus à un F-117 Night Hawk que je pense. En fait, la comparaison avec l'avion de chasse le plus cher au monde n'est pas banale: le MF-XX semble être lui aussi assez insaisissable, parce qu'avec ou sans flash, il est presque impossible à prendre en photo.

Mais on regarde quand même la photo et on note que les considérations aérodynamiques ont aussi intéressé l'équipe de R&D de Museeuw: c'est pour ça que les freins sont dissimulés à l'arrière de la fourche et sous le boitier de pédalier. C'est commun dans le monde du clm/tri, mais très rare pour un bike de route. J'ai quand même un petit doute au sujet de l'entretien, notamment du frein arrière. Bah, n'en parlons pas, non pas que ce soit un sujet vulgaire -comme l'argent. Non, non, c'est que ceux qui utiliseront cette machine ultime doivent avoir un mécanicien d'équipe pour s'occuper de ces détails.


Le BTAC, après coût

J'ai déjà été si bavard, que puis-je dire de plus en guise de conclusion? Que si j'évite de parler d'argent et de coûts depuis mes premières phrases, les fabricants et les distributeurs, eux, ne pensent qu'à ça! Ils ne se permettent pas plus que nous de dépenser sans compter, même pour mettre en marché les vélos qui nous rendront fous de désir. Les profits promis ne sont peut-être pas suffisants pour autoriser les fabricants à être présents, en tenue d'apparat, lors de nombreux salons ? Si un fabricant a le choix d'être présent lors d'Interbike ou au BTAC, lequel choisira-t-il ? Avec des marques transnationales de plus en plus nombreuses, poser la question, c'est y répondre et il y a de moins en moins de monde dans l'arène de l'expo, tant chez les exposants que chez les visiteurs.

Sauf que, comme je l'ai dit, l'argent est aussi dépensé autrement, dans l'organisation d'évènements corporatifs, moins publicisés, destinés à bien endoctriner les membres des réseaux de distribution. Le rendement sur le dollar investi pour "former" sa force de vente est plus facile à évaluer que s'il était dépensé un peu au hasard, au gré du flot des visites. De toute manière, l'état du marché fait que plusieurs entreprises ne cherchent plus à étendre leur réseau de distribution. Parfois, c'est plutôt le contraire.

La création et l'entretien de liens forts et directs avec les consommateurs est un autre secteur d'activités qui entraîne des coûts de plus en plus significatifs pour les fabricants. Et ces coûts sont  aussi méconnus du grand public que ceux nécessaires à l'organisation d'évènements corpos. Quand on "Like" la page Facebook d'un fabricant, ou qu'on relaie une invitation à essayer ses nouveaux produits, après avoir twitté l'adresse de son dernier clip vidéo, c'est cette stratégie de liaisons directes que nous encourageons. C'est ben correct, c'est souvent drôle et c'est bon pour l'image de chacun-chacune puisqu'en likant la page Facebook d'un fabricant, c'est une partie des valeurs qu'il prône que nous reprenons à notre compte. Pis, quand on a acheté notre bike, c'est pas mal cool de "poster" notre machine toute pimpée sur la même page Facebook.

On parle pour parler là, mais il n'y a pas si longtemps j'étais un de ces professionnels de l'industrie du vélo qui travaillait durant les salons pour conquérir des parts de marché. J'ai aussi fait de l'animation de "communautés en ligne". Ça, j'en ai fait pas mal. Mais rassurons-nous! je n'en fais pas ici! J'étais au BTAC pour le plaisir du vélo et pour le plaisir de découvrir de nouveaux objets de désir. On sait jamais, je pourrai peut-être m'acheter certaines des machines que j'ai présentées?

Ok, va falloir que je parle d'argent un jour...












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