Greg, il va vite, plus vite que tout le monde

Bienvenue dans mes rêves d’ado attardé. Il va donc être question de vélo. Oui, si vous envisagez de lire ce qui s’en vient, on s’en va là. Il y a une dizaine de jours le club avec lequel je roule, le tout puissant CCCP, a organisé l’épreuve des épreuves : un contre-la-montre. 

Le contre-la-montre est une épreuve monstrueuse. Vous êtes seul, vous roulez, on prend votre temps et il y a un gagnant. Pas de ruse, pas de tricherie. Vous êtes seul avec votre vélo, et vous souffrez autant que vous le pouvez. La personne avec le plus gros moteur et la plus grande envie de souffrir gagne.

Facile

Alors j’ai pris le départ, comme tout le monde. Ouf, isch, grrr, pas spécialement facile. En fait, c’est un euphémisme pour dire que c’était tout simplement la mort. Les pulses accotées, les cuisses explosées et des douleurs, du  mal…. jusque dans les épaules (nom de Dieu, comment est-ce possible?).  C’est à cause des astres en ma défaveur, de ma blessure au ballon balai l’hiver passé, de mes cale-pieds qui étaient mal placés, de la muscu que j’ai faite n’importe comment ou encore de cette criss de chute qui a provoqué une commotion cérébrale y’a pas si longtemps, en tout cas, j’avançais pas. Mais PAS DU TOUT. Une honte. Une indignation. J’ai même presque failli me « relever » et terminer en regardant les oiseaux. Même des filles m’ont battu. Ok, pas des filles ordinaires, des filles qui comptent leurs watts et qui prennent des boissons de récupération après l’effort. Elles seront CERTAINEMENT championnes du monde TRÈS bientôt. Pas de doute. 

Aucun  

Ce genre de résultats prouve scientifiquement que je suis un domestique de basse classe. C’est pour éviter ce diagnostic qu’il faut faire des clm  souvent. À force d’en faire, il peut arriver que ce soit un bon jour et là, il faut se souvenir du résultat!

D’ailleurs

Crédit photo: Catherine Lefrançois

L’an passé j’avais fait le clm de fin d’année du –toujours puissant– CCCP avec un certain brio. C’était un de ces bons jours. Je n’étais pas spécialement en forme, mais j’avais le goût de savoir ce que je donnerais. J’avais emprunté un vrai bike de clm, un vieux Mercury tout pourri, sans roues particulières. Je m’étais bien défait la face et je me suis mérité, à ma très grande surprise, le 4^e temps. Pour un petit vieux pas spécialement rapide, historiquement pas un spécialiste en tout cas, c’était une révélation : je m’étais dévissé au complet, en obtenant un temps correct… en y prenant plaisir en plus! Sortez les Doritos Inferno pis la St-Ambroise, c’était un moment historique! Greg Lemond, le meilleur de tous les temps, n’avait qu’à bien se tenir, lui à 50 ans et moi à 40, on allait enfin se faire le « mano a mano » que j’ai imaginé 2 millions de fois entre l’âge de 17 et 20 ans : lui su son bike, moé su l’mien, le plus vite, c’est le meilleur.    

Le meilleur

Quelle rigolade d’enfant. Un tel match n’aurait aucun sens et je le savais déjà à 17 ans. Il y a eu des monstres dans la discipline cycliste : Coppi (et son soigneur y parait), Anquetil (et son soigneur assurément), Merckx (et le bonhomme Colnago qui dit qu’il faisait ses vélos), Hinault (et… non, lui il était seul, sauf Tapie qui a fait plein de pognon sur son dos) et puis Greg Lemond (et… bon sang personne sauf le clown du McDo parce qu’il aimait manger des Big Mac). Il faut dire qu’il est arrivé à une époque où la monstruosité pouvait être documentée grâce au VO2max. Son score : 92,5. 92,5, c’est un résultat presque 50% supérieur à un score normalement «excellent». Mais avec qui, ou quoi, pourrait-on comparer cette donnée? Pierre Harvey mettons. Il avait un VO2max de 86. Compte tenu de la carrière du meilleur fondeur de l’histoire du Canada, ça donne un point de comparaison. 86, c’est tout un animal! Mais au-delà du chiffre, qu’est-ce qu’une telle capacité donnait sur le terrain ? Le palmarès de Lemond parle de lui-même. En prévision du Tour qui commence, et comme une image vaut mille mots, voyons ce que ça donnait en 1989 lors de la dernière étape du Tour, un contre-la-montre sans merci sur les Champs Élysées. Il faut le voir et… l’entendre de la bouche des analystes français. Je n’en dis pas plus. C’est contre Laurent Fignon, un autre champion hors norme, un vrai de vrai, doublé d’une attitude géniale de « tête de vache ». Fignon livre le meilleur contre-la-montre de sa vie tandis que la prestation de l’américain est simplement la meilleure de l’histoire avec une vitesse de 54,54km/h sur une distance de 24,5 km. En passant, quand vous roulez vite, c’est à quelle vitesse que vous allez ? Et avez-vous cette allure ?

Le Tour commence dans quelques jours. Comme je suis un « expert », je me permets de dire que Contador va l’emporter sans grande difficulté même s’il protégera bien les apparences. On le verra à l’effort, les commentateurs en feront une figure héroïque, notamment durant les contre-la-montres quand il sera seul sur sa monture. Il faut bien reconnaître qu’avec un VO2max estimé de 99,5 le petit espagnol est un extraterrestre nourri à la bonne viande d’Espagne. Est-ce que les jeunes de 18 ou 19 ans vont être émus par ses exploits comme je l’ai été par ceux de Lemond à son époque?

Je ne sais pas