Changement de paradigme: un cadre Marinoni en aluminium, 2e partie



Donnez-moi d'l'asphalte que j'essaie ça un peu... Pas facile de rouler à Montréal à la fin octobre

Voici la suite de la chronique Changement de paradigme: un cadre Marinoni en aluminium que j'ai mise en ligne il y a déjà, ouf, presque deux semaines. C'est que le temps passe vite quand on s'amuse. Et puis, si je voulais savoir quel genre de personnalité a mon nouveau joujou, je n'avais pas le choix, fallait rouler. Toutes les raisons sont bonnes pour rouler. C'est bien connu.

Une fois mon bolide rouge assemblé et bien réglé, plus rien n'a pu me retenir à la maison, pas même le ciel morne et gris ou les petits 7 degrés qui m'attendaient dehors. Valait mieux ne pas trop être regardant sur la température: rendu à la fin octobre, et maintenant à la mi-novembre, un gars qui habite à Montréal et qui travaille le jour doit être prêt à rouler à la noirceur sur des routes pas nécessairement exotiques tout en étant habillé comme un oignon s'il veut éviter de geler. Mais qui a dit qu'un essai routier devait être fait sur une route paradisiaque dans des conditions optimales comme on le voit dans les magazines spécialisés? C'est pas vrai que les cyclistes roulent uniquement sur les belles routes de Toscane, d'Arizona ou du Pays basque. Les belles routes de Toscane, d'Arizona ou du Pays basque font partie d'une belle mise en scène visant à vendre du rêve tout autant que des vélos. Moi, je n'ai rien à vendre.



Mon Marinoni tout neuf, version photo de magazine,
au bout du parc René-Lévesque à Lachine.
Première destination, la bonne vieille piste cyclable de Lachine

Première destination, la bonne vieille piste cyclable de Lachine. Pour la route paradisiaque, on repassera! Déjà, pour me rendre là, il faut que je passe par la pittoresque rue Ontario, entre Papineau et Berri. Dans ce coin-là ça brasse tellement, que conserver l'équilibre sur le vélo, en évitant de se faire passer dessus par une voiture, relève du défi. Si le passage ne permet pas d'apprécier le niveau de confort de mon Marinoni, il me montre -dès la toute première prise en main!- que la bête est agile et précise. Mettons que c'est apprécié... et que ça rassure.

La piste de Lachine n'a rien à voir avec, par exemple, l'élégante Promenade des Anglais et comme un peu tous les cyclistes qui habitent Montréal, je suis allé à Lachine des "milliers" de fois. Le vieux sanctuaire cycliste porte désormais plusieurs cicatrices accumulées au fil du temps: craques, trous, bosses, patchs d'asphalte, revêtement granuleux et virages trop serrés en font un excellent banc de test pour le confort de ma monture. Je m'étais préparé mentalement à ma sortie inaugurale et j'étais près à me faire brasser la cage comme un joueur des Canadiens est prêt pour son premier match à vie à Philadelphie. Contre toute attente, je n'ai pas eu l'impression que ça vibrait plus que mes anciens cadres. C'est bien pour dire, même la courte section en gravier, pas loin de l'écluse no.3, n'a rien généré de particulier.

Ici pas de buzzword, pas de poudre aux yeux: le décalque
précise que le cadre est fait en Aluminium 7005 triple
épaisseur renforcé à l'aide d'un traitement thermique.
J'allais pas rester sur un échec. J'avais un cadre "tout alu" et ça devait être raide et inconfortable. C'est du 7005 que j'ai acheté, pas du papier d'alu pour couvrir la dinde de Noël. Je suis donc allé me promener sur la rue St-Patrick, puis ensuite sur le Lake Shore. Même résultat.

J'y suis retourné une autre fois, puis encore une autre. Franchement, avec les mêmes roues, les mêmes pneus et la même position que j'avais sur mon ancien bike, j'avais grosso modo les mêmes sensations. Ok, c'était juste de petites sorties et tout le monde sait que le confort ça devient important dans les "longues sorties". C'est bien connu. Mais quand même.


Quand on rentre du circuit Gilles-Villeneuve à vélo une
fois la nuit tombée, on a la chance de voir que
Montréal est magnifique.
Deuxième étape, le circuit Gilles-Villeneuve

Deuxième étape, sur le circuit Gilles-Villeneuve, les soirs de semaine en particulier, en pleine noirceur. C'est une drôle de place où il y a toujours quelqu'un, ou un petit groupe, qui roule. Lors d'un de mes passages j'ai croisé le copain CCCPiste Guillaume B qui roulait en compagnie de sa gang de la boutique Momentum. J'ai bien entendu pris leurs roues, histoire de voir ce que ça donnerait. Ces quelques kilomètres ont été du sport: on était lancé à bonne vitesse et négociait les virages au radar dans le noir! Ça roulait "pas constant" du tout! À ma grande surprise, j'ai même dû sprinter pour boucher des trous! Le vélo a offert une stabilité imparable et une manoeuvrabilité irréprochable qui m'ont même permis de compenser, sans faire trop d'écarts, les erreurs de pilotage que je commettais. Ben quoi, faisait noir et on allait vite, j'ai fait des erreurs, mais on ne s'est pas tiré à terre, c'est pas mal non? C'était pas exactement le peloton des Championnats du monde des Mardis de Lachine, mais le petit Marinoni en alu a livré la marchandise.

Force est de constater qu'en isolant toutes les variables pour faire mon test, ben mon petit cadre rouge s'en sortait vraiment pas pire pantoute. J'en étais d'ailleurs presque déçu. Une question a même commencé à me hanter dès mon retour à la maison après la première sortie: est-ce que ça se peut que les cadres de carbone soient rendus si rigides et si "performants" qu'un cadre d'alu puisse aujourd'hui donner l'impression d'être "confortable"? Aujourd'hui, presque 500 km plus tard sur les belles routes de la région de Montréal, je me pose vraiment cette question.



Et non, je n'étais pas dans ce peloton ! Par contre, j'ai emprunté
pas mal souvent le parcours du Grand Prix de Montréal,
assez souvent en tout cas pour conclure que
le Marinoni Delta est à sa place dans les ascensions.
Finalement, quelques balades sur la montagne

Lachine, le Lake Shore et les autres sorties sur le circuit, tout ça, c'est plat comme une crêpe. C'est pas là que j'ai pu vérifier si les tubes qui composent ma Red Machine ont vraiment du tonus. Des visites sur le Mont-Royal s'imposaient. Et puis, le nouveau revêtement tout lisse de Camilien-Houde en fait enfin une route où il fait bon rouler.

Compte tenu de tous les maux qui m'ont affecté cette saison, j'avais vraiment très peur que mes jambes refusent de participer à ces ascensions dans la froideur de novembre. J'ai été chanceux, elles m'ont donné carte blanche à chaque fois. Bon, je ne suis pas et je ne serai jamais un grimpeur, tant s'en faut. Souvent, comme je manque de puissance, il faut que j'alterne les séquences durant lesquelles je suis bien calé sur ma selle avec d'autres -assez nombreuses- durant lesquelles je me débats debout en danseuse. Il faut ce qu'il faut pour arriver en haut. C'est bien connu. Dans ces conditions, j'apprécie vraiment tout ce que le vélo peut avoir comme qualités!

Dès les premiers mètres de la première ascension, la légèreté du vélo se laisse apprécier. Quand je suis allé commander mon bike chez Marinoni, Paolo m'avait dit que le Delta était "pas mal léger", mais sans plus de détails. Dans un univers où les fabricants sont prêts à tout pour dire que leurs produits sont légers, une telle imprécision m'a réjoui. J'ai quand même fait la vérification et mon petit cadre de 47 cm (center/top) ne pèse "qu'un peu plus" de 1200 grammes sans aucune tricherie, c'est-à-dire que la peinture, la visserie et la patte de dérailleurs sont incluses dans le poids du cadre. Équipé comme il l'est, en Chorus avec des roues Racing Zéro de Fulcrum, le Marinoni Delta est donc vraiment "pas mal léger", d'où le sentiment agréable presque instantané.

La fourche Marinoni "full carbone", mais avec une
tête d'alu certainement, ne porte aucune inscription
destinée à valoriser une technologie "révolutionnaire".
On aime ça.
Mais une fois cette première impression digérée, une autre sensation indéfinissable se profile. Roule, roule, monte, démarre, descend, recommence. Assis, debout. Sur Camilien-Houde, dans la côte de la Poly, sur le chemin du Belvédère, sur l'avenue Clark, sur Mount-Pleasant et jusqu'à Summit Circule en passant par Sunnyside. Cette sensation, je l'aimais. Mais quelle était-elle? De la rigidité, oui. Mais pas celle à laquelle je me suis habitué ces dernières années.

J'ai mis un moment à comprendre ce qui se passe quand je fais un démarrage sur ce vélo. En fait, c'est une sensation de vie. Rien de moins. Je m'explique. Jadis quand on montait sur un vélo d'alu, le point de comparaison était un bon vieux cadre d'acier, quelque chose comme un Columbus EL Oversize dans les meilleurs cas. À l'aune de cette référence, c'est sûr que l'alu semblait raide, inconfortable, pas agréable... mais diablement brutal et performant. Une bonne douzaine d'années après la révolution du carbone, la mesure étalon n'est plus la même et ce qui me semblait brutal apparaît être une douceur tout en dynamisme. Quand on pousse sur les pédales, le cadre absorbe une partie de l'énergie, puis nous la rend. J'en avais plus l'habitude. C'est agréable comme phénomène.

Moi je le trouve beau, mais quel regard les gens portent-ils sur ce vélo?

C'est dire que j'aime bien les sensations que procurent le Marinoni Delta. Mais c'est drôle les réactions que ce vélo génère. Quand j'en parle ou quand je le montre à quelqu'un, c'est presque tout le temps pareil: un petit silence précède le commentaire. Ce silence est plus parlant que ce que les gens disent. C'est un silence d'inconfort. Un peu comme si, après avoir compris que je viens vraiment de m'acheter un cadre d'alu, les gens se disaient: "mon pôvre Bruno, je te savais bizarre, mais je ne pensais pas que tu avais une maladie mentale aussi grave". Rassurez-vous mes amis! Je vais plutôt pas pire. Enfin, pas pire qu'avant.

Après le silence, le jugement tombe. "C'est ton nouveau vélo de ville?" C'est une amie à moi, très charmante, qui m'a dit ça avec légèreté quand elle m'a croisé dans la rue sur mon nouveau bike. "Qu'est-ce que tu as fait là? Tu comprends rien toi! Tu pensais à quoi? C'est dépassé l'alu. C't'un bike de Canadian Tire!" Ça, c'est un expert qui officie dans un des bons bike shops de Montréal qui m'a servi cette tirade sur un ton agressif. Si je reçois avec un sourire la réflexion de la première qui est une cycliste enthousiaste, je me marre vraiment beaucoup en repensant à celle de l'expert. Les deux révèlent l'efficacité de la propagande publicitaire développée par l'industrie pour justifier la course à l'armement qui fait rage chez les cyclistes. Depuis les néophytes jusqu'aux gens de l'industrie, le carbone est solidement associé à une promesse de performance et d'amélioration individuelle. L'alu c'est plutôt l'inconfort et le passé.

Remarquez que c'est assez vrai quand on voit ce que sont les cadres d'alu offerts sur le marché. Souvent fabriqués avec des tubes de mauvaise qualité et assemblés en respectant une géométrie affligeante, les cadres d'alu sont destinés à n'être que des premiers achats dont les cyclistes se débarrasseront dès que leur pratique aura évolué. Il existe toutefois quelques exceptions à cette logique consumériste. Avec sa géométrie de coursier digne de la grande tradition italienne, qui autorise un positionnement conforme aux canons de la discipline, le Marinoni Delta est l'une de ces exceptions. Pis je le voulais rouge avec une bande blanche sur le downtube, avec l'ancien lettrage. C'est exactement ce que j'ai eu. Même que mon nom est écrit dessus! C'est pas beau la vie des fois? Oui! et c'est bien connu.








Remerciements attiliens à Brigitte L, qui a agi à titre de directrice artistique pour la séance photos. Ces photos ont été réalisées au parc Lafontaine à Montréal dimanche 23 octobre.

Notre travail a été effectué sous la supervision agressive de la meute d'écureuils en demeure au Parc Lafontaine. Ceux et celles qui connaissent les lieux évalueront bien tous les risques que nous avons acceptés de prendre pour faire nos photos. Baptême, des écureuils affamés, y'en avait partout, ils montaient même sur nous autre.


Commentaires

  1. Wow! Il est beau ton vélo! C'est du bolide, ça! Mon petit Trek grand public a l'air bien pépère à côté de ça! Et pis y sont mignons les écureuils! À bientôt!

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  2. Depuis le temps... steel is reel

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  3. Hello Mamamiiia! merci d'être passée iciiiii! Les écureuils de ce parc n'ont plus peur de rien... va pas là avec tes enfants! ;-)
    Dr. No... l'acier c'est vrai, mais l'aluminium c'est pour les zommes !

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  4. J’attendais avec impatience cette deuxième partie. C’est que, amoureux de l’acier au moment où le carbone envahissait le marché, je suis passé du métal à la fibre noire sans jamais expérimenter l’aluminium. J’étais donc curieux d’en savoir plus. Je vois que je ne suis pas à l’abris de la propagande appelé marketing. Et toi tu connais ça Bruno la propagande ;) Es-tu en train de nous dire que l’on peut économiser 2000$ sur le cadre sans trop de différences? Si on met cet argent sur un super set de roues, ça fait un joli bolide!
    Il y a un matériel qui m’intrigue encore plus : le bambou! Essais-nous ça Bruno!
    http://www.calfeedesign.com/products/bamboo/

    LeMAG

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  5. Hey le MAG ! Ben non, je dis pas qu'il faut économiser! Dépense!! ça fait vivre une belle industrie ;-)
    Mais c'est sûr que si on travail avec un budget serré, l'adage des vieux bonhommes reste vrai: c'est toujours sur les roues qu'il faut mettre l'argent en premier. Quand même pas au prix d'être coincé avec un cadre biodégradable en bamboo!!

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  6. Du Bambou? MAG Come-on! Déjà que notre pauvre Bruno a maille à partir avec les écureuils. S’il faut qu'il se méfie des Pandas en plus!

    Parlant des écureuils, Bruno, je cois que j'ai trouvé l'explication de leur comportement.

    Du Bambou? MAG Come-on! Déjà que notre pauvre Bruno a maille à partir avec les écureuils. S’il faut qu'il se méfie des Pandas en plus!

    Parlant des écureuils, Bruno, je cois que j'ai trouvé l'explication de leur comportement.

    http://goo.gl/dDjpW

    Les nouvelles voyages vite chez les rongeurs.

    Les nouvelles voyages vite chez les rongeurs.

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  7. T'imagine un panda coincé dans la fourche à la place de l'écureuil? Ça prendrait du maudit bon bambou pour la fourche...

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  8. La marquise de Mentana31 décembre 2011 à 22:25

    Moi, je peux commenter les écureuils du Parc Lafontaine, des méchants malades, complètement affamés, y rentrent dans les poussettes, y te sautent dessus, y te mangent la laine (ou le coton) sur le dos, y te suivent comme dans un film de Hitchcock (je viens de vérifier l'ortografe) mais sont pas de oiseaux, pis, y m'ont volé ma plaquette de chocolat à 70% Lindt que j'avais même pas entamée pour de vrai... ça, je ne leur pardonnerai jamais!
    Pour le bike, je peux rien dire...

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  9. Ah ha! Vous aussi Madame la marquise, vous avez subi les assauts de ces bestiaux! Y Ton vraiment volé ton chocolat? On les déteste tu rien qu'un peu!!!?

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  10. Cadre Alu + Super roues...un concept intéressant et réfléchi. Monté en Chorus en plus, il est vraiment top ton vélo!
    j’ai convaincre mon ami Bob de s’acheter un alu et de mettre des bonnes roues. Résultat : il a acheté un Caad10 105 et y a mis de Ksyrium SL : une bombe, beau, bon, pas chère. Remarque que je suis encore plus rétrograde que ca, j’ai acheté un Marinoni Piuma en acier il y a 2 ans (quand même pas si lourd que ca : 17lbs sans pédales).
    Bon sorties de printemps!

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  11. Ah ha! Merci! En voilà un qui me comprend! Le Caad10 était sur les rangs. Un des facteur qui a fait la différence pour moi, c'est la hauteur de la douille de direction. Si t'es curieux de lire mon raisonnement tarabiscoté, il est présenté en bas de cette chronique, dans les commentaires:
    http://chroniques-attiliennes.blogspot.com/2011/10/un-changement-de-paradigme-un-cadre.html
    Pis 17lbs... c'est pas mal raisonnable...

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  12. Bonjour
    Puis je savoir quel est ce rouge de Marinoni? Est-ce le rouge "Apple"?
    Beau vélo en passant
    Merci
    Stéphane

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