Chasse patate au pays de la crevette (2e partie)



Show Time (comme dirait Tino Rossi)

C’est à croire que j’ai été le seul à me laisser déranger par les hordes barbares puisqu’au réveil la famille était joyeuse. Il faut dire qu’avec la montagne de crêpes que Simon avait préparée la veille, personne ne pouvait souffrir d’un stress lié à l’alimentation! Rapidement, on s’est retrouvé dans bus de l’organisation qui nous a menés vers New Richmond et, de là, on a pris le départ. Un départ tranquille, Simon, François, Mathieu et moi avons donné le tempo de manière à calmer les impatients sans que la moitié du maigre peloton ne passe par la fenêtre après les trois premiers virages. À titre de seule équipe WorldTour, il fallait bien assumer nos responsabilités!

Noble intension que la nôtre, sauf qu’encore une fois mes vieux os et surtout mes vieux muscles fragiles m’ont joué un tour comme ils en sont capables. J’ai coincé aux dix bornes… du début! À ce moment je suis donc en proie à une autre de ces défaillances dont je commence à avoir le secret et je ne peux rien faire d’autre que de me laisser glisser vers l’arrière. Une, deux, trois, non pas lui, même le bonhomme avec un bike de cyclo-cross vient de me passer! Quatre, cinq, six, il commence à manquer de monde à qui me raccrocher.

Bon sang, je vais finir à la nuit, je ne passerai même pas la première bosse, je pensais même avoir affaire à la sorcière aux dents vertes tellement le moteur chauffait. Mais comme la vie est joliment brodée, le pire ne s’est pas produit, bien au contraire.

Alors un réflexe d’une autre époque me vient à l’idée : combien de voitures y a-t-il derrière? Une, deux, trois, quatre, cinq, six. Plus une, deux, trois, quatre motos. Je tiens là mon salut! Le premier chauffeur auquel j’ai joué le tour a été surpris de me voir me cacher derrière lui, mais peut-être parce qu’il l’a vu au Tour de France sur sa télé, il a compris que je voulais tricher. Il était volontaire et m’a vaillamment trainé quelques mètres. L’autre aussi, puis l’autre encore. Le dernier savait très bien ce qu’il faisait et il a même réussi à me « souffler » vers l’avant… JE venais de boucher le trou alors même que le sang retrouvait son chemin dans mes jambes pour désengorger mes muscles endoloris. Là, j’ai pu me refaire une santé sur presque 25 kilomètres à un rythme de douce balade. Ça jasait pas mal dans ce petit groupe, ça roulait aussi un peu tout de travers, mais ils étaient bien sympas les monsieurs de ce peloton.

Vers le kilomètre 40, c’était beau, j’étais bien, j’avais la pêche de ma prime jeunesse et les relais ne me fatiguaient même plus. Que faire? Rester là avec le groupe qui allait certainement éclater au début de la grosse bosse au kilomètre 60? Pas très inspirant. La seule autre option envisageable : partir et peut-être rouler seul sur 100 kilomètres dans les bosses gaspésiennes avec un sauvage vent de face. En gros, ou je restais où j’étais… ou je me payais une journée de chasse patate ultime. C’est en ayant une pensée pour les champions de cet exercice, les Jacky Durand et autre Jens Voigt, que j’ai choisi de faire la route seul. Au mieux j’étais prêt à ramasser tous ceux qui allaient exploser devant.

Finalement, je ne saurais dire pourquoi, mais m’en suis pas trop mal tiré. J’ai effectivement fait 100 bornes seul et j’ai effectivement rejoint et proprement déposé plusieurs naufragés éjectés du groupe de tête. À chaque pauvre âme croisée je rigolais intérieurement en me disant que leur explosion était certainement le fruit du travail méthodique de destruction effectué par Simon, Mathieu et François qui devaient être en train de tout démolir devant. Dans leur œuvre de démolition ils ne devaient pas être seuls, mais penser qu’ils faisaient la course en tête me faisait du bien. Chantale aussi devait être devant, en tout cas je ne l’avais pas croisée depuis le départ.


J’ai terminé loin. Très loin. Mais je retiens que mes sensations –une fois le choc initial digéré- ont été bonnes toutes la journée. J’ai même pu attaquer toutes les bosses et faire le forcing dans les descentes, une première pour moi cette année. 
Mes champions de copains/copines ont eu de très bons résultats : Simon fait deuxième au photo finish, François et Mathieu terminent presqu’ensemble pas très loin derrière vers la 12e position. Chantale doit être dans le top 20 toute catégorie confondue avec un podium dans sa catégorie. 

Même chose pour Mélanie qui fait elle aussi un podium dans sa catégorie. Gabrielle, dont c’était la deuxième cyclo, a souffert les affres d’une chute et c’est meurtrie dans son corps qu’elle a vaillamment terminé l’épreuve seule.  

Tout le monde a repris la route vers Montréal dès le lendemain matin après une nuit au Sea-Shack redevenu calme. Pour Brigitte et moi les vacances se poursuivent encore un peu. Direction les Cantons de l’est où de nouvelles aventures nous attendent certainement.









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