Attila le Fléau, archiviste



Le dernier texte publié ici remonte à octobre 2016. On dirait un blogue à l’abandon. Ce n’est pas rare, internet en est plein. En général cet abandon ne se produit pas suite à un manque d’intérêt de la part du blogueur: c’est qu’à un moment on a du temps, de l’énergie et de quoi à dire. Alors on crée un blogue quelque part et on crée du contenu. Ça dure un temps et puis un jour, sans que ça prévienne, on n’a plus de temps, plus d’énergie et ce qu’on aurait à dire, ben on ne le dit plus. C’est ce qui est arrivé aux Chroniques Attiliennes. Enfin, dire qu’on ne dit plus ce qu’on a à dire, c’est un raccourci pratique. En fait, on trouve d’autres endroits, d’autres plateformes, pour s’exprimer. Dans mon cas, c’est sur Instagram que ça s’est passé. Comme je ne suis ni auteur, ni vidéaste, ni musicien, ni gosseur de multimédia c’était idéal.

Instagram c’est pratique pour recycler les blogueurs fatigués. On marche dans la rue, notre regard croise quelque chose d’intéressant et bam!, c’est comme si on avait de quoi à dire. Une drôle de maison, un arbre en fleur, un graffiti inspiré, tout est bon, on fait flèche de tout bois. Pas besoin de savoir ce qu’on fait, à la limite même pas besoin de se forcer, en quelques secondes on a un post qui a à peu près du sens. On identifie un lieu, accroche une poignée de hashtags plus ou moins inventés, on fait publish. Et on remet le cell dans notre poche. Alors on sent qu’on a dit de quoi et ça fait du bien. On poursuit notre route vers le gym, l’épicerie, la SAQ, la garderie ou la maison. Le besoin de s’exprimer est comblé, la job est faite, on fera le décompte des likes plus tard. En plus, comme on peut publier en même temps sur notre compte Facebook pour maximiser le reach de chaque post, le vieux blogueur fatigué ne peut qu’être comblé. Sauf que bien vite, on se tanne aussi de ça. Tout cas, je me suis tanné. Ça s’est passé quand mes vieilles obsessions de cycliste geek reprenaient le contrôle sur moi.

C’est ici que je dois me mettre en contexte

Dans les suites des convalescences qui avaient été nécessaires pour me réparer après avoir rencontré une voiture un peu intimement alors que je roulais sur une piste cyclable, j’ai posté ici deux chroniques dans lesquelles je présentais et commentais des bikes de route vintages que je débusquais au hasard de mes promenades à pieds. Il fallait quand même que je m’occupe pendant que je ne pouvais ni rouler, ni m’entraîner. J’avais pris l’habitude de marcher, tous les systèmes de détection en éveil, toujours prêt à mitrailler un vélo vintage caché dans un coin à l’aide de mon téléphone. Mes comportements sont devenus assez obsessifs. Comme la présence d’une terrasse de bar ou d’un attroupement sur le trottoir ne me brimait pas, mes arrêts soudains et mes séances de mitraillages sont devenus gênants pour les copains. Mais ils se sont habitués et les photos se sont vites empilées dans mon cloud. Sauf qu’à titre de blogueur qui n’avait plus de temps, ni d’énergie, ni rien à dire, je n’allais tout de même pas me motiver à écrire de quoi ici sur mon blogue. C’est là que l’idée de remplir mon Instagram —et mon compte Facebook et donc ceux de mes copains/copines— avec les vélos que je prenais en photo a fait éruption. La forme que j’entendais donner à mes posts de bikes vintages était simple: quelques photos croquées sur le vif montrant le vélo dans son état réel et un court commentaire. Donc pas de mise en scène, pas de précaution visuelle. Je voulais montrer la nature brutale de l’usure qui dévore les vélos vintages de grandes qualités qui sont utilisés en communting.

« Où est-ce que tu t’en vas avec ça? »

Ça, c’est la question qu’un ami bien pensant m’a posée déjà l’été dernier en regardant passer mes posts de vieux béciks pourris dans son newsfeed Facebook. Il ne devait pas être le seul à se le demander et en ce moment même vous, braves lecteurs, devez être en train de vous demander la même chose. Alors voilà ce que j’ai en tête. Comme j’ai été historien dans une autre vie, j’ai fréquenté assidument beaucoup d’archives. Quand je dis beaucoup, je veux dire que je l’ai fait ad nauseam. Diantre! J’étais médiéviste, spécialiste du Dauphiné et de la Provence, et j’haïssais les archives et leurs maudits vieux documents pourris, puants et illisibles. Tout n’était pourtant pas que douleurs.

Dans mon labeur, je trouvais toutefois un certain soulagement lorsque je plongeais, souvent en pleine détresse, dans l’un ou l’autre des gros catalogues d’archive qui répertorient et décrivent en quelques lignes chacun des documents cachés derrière une cote d’archive. Ces gros livres précieux, avaient pour la plupart été préparés à la fin du XIXe ou au début du XXe siècle par les archivistes qui avaient procédé au classement des masses de documents. Ces personnes étaient dotées d’une érudition apparemment sans fin. Dans l’espace français —attention, la France n’existait pas encore—, ces archivistes étaient en fait des chartistes, du nom de la prestigieuse École des Chartes où ils avaient été formés. Avec ces types, la description des documents était claire, courte, précise, tranchante et fonctionnelle. Pourtant, en lisant ce travail marqué par une volonté scientifique, j’arrivais toujours à sentir le poids de la personnalité de l’érudit qui avait écrit les descriptions. Pour moi c’était simple: les chartistes étaient l’équivalent des Avengers et ils étaient chargés de me sauver. Rien de moins.

Début 2017: la métamorphose

C’est ici qu’on revient à mon compte Instagram, enfin, à celui d’Attila_le_Fleau —c’est le nom de mon compte—. Désormais, je n’allais pas me priver de diffuser une photo d’une drôle de maison, d’un arbre en fleur ou d’un graffiti inspiré, MAIS ma mission sur Instagram venait de prendre forme: Attila_le_Fleau —moi!— allait devenir l’archiviste patenté des vélos de route vintages qu’il croiserait sur son chemin. La mission s’accompagnerait nécessairement d’un ton méconnu, celui des chartistes besognant sur leur catalogue. Un style littéraire propre.

Curieux de voir ce que ça donne ? Attila_le_Fleau

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